En ces périodes de divorces conflictuels, de familles recomposées et de « parents d’intention » dans le cadre de la gestation pour autrui, les pères biologiques ont souvent l’impression de n’être que des tiroirs caisses destinés au paiement de la pension alimentaire mais totalement écartés de la vie de leurs enfants.
La Cour de Cassation a rendu le 7 novembre dernier un arrêt intéressant à plusieurs égards.
Un enfant est déclaré à sa naissance comme celui de sa mère et du mari de cette dernière.
Il y a donc possession d’état continue paisible et non équivoque, lorsque 15 jours plus tard, l’amant de la mère (le père biologique) fait une déclaration de paternité qui lui est refusée.
Il saisit immédiatement la justice en contestation de paternité du mari (préalable obligatoire pour faire établir la sienne) et 2 ans plus tard une expertise biologique est ordonnée. (La justice prend son temps).
Celle-ci désignant l’amant comme le père biologique, la paternité de celui-ci est reconnue.
La mère et son mari font appel, invoquant le fait qu’il sera difficile à l’enfant désormais âgé de 2 ans (et qui croit que le mari de sa mère est son père) de considérer son père biologique comme son père.
A noter que cette argumentation est curieuse car finalement cela revient à avantager le parent qui a menti.
La Cour confirme l’expertise biologique et la paternité de l’amant.
La mère et son père saisissent la Cour de Cassation.
La Cour suprême confirme l’expertise biologique et la paternité en ces termes : « Il n’est pas de l’intérêt supérieur de l’enfant de dissimuler sa filiation biologique et de le faire vivre dans le mensonge portant sur un élément essentiel de son histoire.
Le droit au respect de la vie privée de l’enfant et son intérêt supérieur ont été pris en compte par la Cour d’Appel ».
La Cour de Cassation ne fait qu’appliquer la jurisprudence de la Cour Européenne des droits de l’homme : « L’intérêt de l’enfant est de connaitre sa filiation réelle »
Arrêt MANDEL C/ France 14/01/2016 30955-12
Cependant, la Cour de Cassation va plus loin. En effet, elle estime que l’intérêt supérieur de l’enfant est de connaitre la vérité même s’il sera difficile à l’enfant de reconnaître son père biologique comme son père. Il appartiendra alors à la mère et à son mari d’aider l’enfant à appréhender cette situation.
On ne peut que se réjouir de cette position qui met tous les adultes face à leur responsabilité envers l’enfant et les oblige à agir ensemble dans le seul intérêt de celui-ci.
De plus, alors qu’on oppose souvent l’intérêt supérieur de l’enfant aux droits du père biologique qui réclame juste le droit de ne pas être un père au rabais, cette décision redonne de l’espoir aux pères biologiques qui ont envie de se battre pour leurs enfants pour que ces derniers ne soient pas coupés d’une partie de leur histoire…
Mais attention, les délais pour agir sont implacables et les dépasser exposent les pères biologiques à ne plus pouvoir obtenir judiciairement l’établissement de leur paternité !