Aux termes d’un arrêt de la Troisième Chambre Civile de la Cour de Cassation du 13/10/2021 :
Un bail commercial avait été conclu entre les parties. Après avis de la commission de sécurité communale, le maire avait ordonné la fermeture au public de l’établissement. Étaient en cause des désordres affectant la charpente et apparus des suites de la mauvaise conception de l’immeuble.
Le liquidateur judiciaire du locataire demandait, entre autres, la résolution judiciaire du bail, ce que la Cour d’Appel avait rejeté. Un des moyens qu’il formulait au soutien de son pourvoi faisait valoir d’une part, que l’origine du désordre existait bien avant la conclusion du bail et qu’en conséquence, le bailleur avait manqué à son obligation de délivrance, d’autre part, que l’exécution de cette obligation impliquait que le bailleur, même sans avoir à être informé par le locataire de la nécessité de travaux, veille de façon constante à l’entretien de son immeuble.
La Cour ne suit pas cette analyse, affirmant que « Sans préjudice de l’obligation continue d’entretien de la chose louée, les vices apparus en cours de bail et que le preneur était, par suite des circonstances, seul à même de constater, ne sauraient engager la responsabilité du bailleur que si, informé de leur survenance, celui-ci n’a pris aucune disposition pour y remédier. »
Elle poursuit, retenant qu’en l’espèce, il n’était pas établi que les désordres préexistaient, que le locataire avait attendu deux ans avant d’informer le bailleur de ceux-ci, que ce dernier avait alors accompli toutes les démarches nécessaires pour y remédier sans que le locataire en tienne compte. Il n’y avait donc aucun manquement du bailleur à son obligation de délivrance pendant le bail.
Cette solution apparaît comme pragmatique : il n’est pas réalisable d’imposer au bailleur d’organiser des visites régulières du bien qu’il loue, quitte à déranger le locataire alors qu’il n’en est pas besoin, afin de vérifier une éventuelle apparition de désordres. Il est bien plus pratique de mettre à la charge du preneur un devoir d’information de telle survenance et ne rechercher le bailleur qu’en cas de nécessité.
Le bailleur n’engage sa responsabilité qu’à partir du moment où il a été informé par le locataire de la survenance d’un désordre constaté par le locataire (le mieux placé pour cela) mais n’a pris aucune disposition pour y remédier. Il ne sera pas responsable si le locataire n’est pas diligent ou refuse l’exécution des travaux.
Cette solution est fondée sur l’obligation de délivrance. Mais rappelons que celle-ci est une obligation de résultat, dont le bailleur ne peut s’exonérer qu’en cas de force majeure. Ne pas être averti par le locataire est-il vraiment un cas de force majeure ?
Il semble opportun de faire référence à l’obligation d’exécution de bonne foi pesant sur le preneur, à laquelle se rattache l’obligation d’information, voire de loyauté ou de coopération. Ainsi, sur ce fondement, on comprend que le locataire ait à avertir son bailleur des événements qu’il a intérêt à connaître afin de faciliter l’exécution du bail.
Reste que cette coopération est une notion floue, qui ne doit pas non plus conduire à remettre en cause la substance des droits contractuels.
Le fondement et la portée de cette décision restent donc à préciser en attendant le rapport annuel de la Cour de Cassation.